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02.07.2025
Bâle-Campagne
Communication

Transition numérique de la justice : communication interne entre la technologie et l’humain

La justice suisse entre dans l’ère de la numérisation, ce qui nécessite une communication interne bien pensée, qui se fonde sur une approche conjuguant technologie et besoins humains. Le projet Justitia 4.0 est allé à la rencontre de Marilena Baiatu, chargée de communication, et de Julia Reidemeister, responsable de la communication auprès du ministère public et des tribunaux du canton de Bâle-Campagne, pour s’enquérir de la manière dont elles gèrent cette transition numérique sous l’angle de la communication. Les deux autorités participent actuellement aux essais pilotes de la plateforme justitia.swiss.

Photo : Julia Reidemeister et Marilena Baiatu

Penser à la communication interne dès le départ

Tant les tribunaux que le ministère public du canton de Bâle-Campagne ont considéré dès le début la communication interne comme une partie intégrante de leurs projets de numérisation et l'ont définie de manière conceptuelle. Il y a plus d’un an déjà, le ministère public de Bâle-Campagne a défini une stratégie de communication globale pour la mise en œuvre de Justitia 4.0, avec pour credo d’accompagner ses collaboratrices et collaborateurs tout au long du processus et d’éviter de les noyer sous les informations. Ainsi, un an avant l’essai pilote, ils ont présenté la plateforme justitia.swiss dans le cadre d’un événement destiné à leur personnel et, une semaine avant le démarrage des tests, ils ont informé par une infolettre intitulée « eSTAWA » [pour elektronische Staatsanwaltschaft, NDT] sur les modifications que la plateforme apporterait dans les processus de travail et qui concernent l’ensemble du personnel. De même, les tribunaux ont mis sur pied des séances d’information au cours desquelles les collaboratrices et collaborateurs ont pu tester la plateforme justitia.swiss et ont organisé des séances de travail à l’heure de midi, avec repas à la clé (brown bag lunch), pour présenter les fonctionnalités de la plateforme et répondre en direct aux questions que se posaient les collaboratrices et collaborateurs.

Préparation sur mesure et échanges continus avec les collaboratrices et collaborateurs impliqués dans l’essai pilote

Les collaboratrices et collaborateurs impliqués dans l’essai pilote ont été préparés de manière ciblée à ce qui les attendait. Au ministère public, la plateforme est surtout utilisée par le personnel du greffe, explique Marilena Baiatu. Il s’agissait dès lors de leur préparer des contenus sur mesure afin que les greffiers et greffières puissent se former et disposer d’instructions pour pouvoir utiliser la plateforme. À l’heure actuelle, le noyau dur de l’équipe de projet de la transition numérique est en contact étroit avec le personnel du greffe ainsi que les responsables de processus pour recueillir les retours d’expérience et adapter, le cas échéant, les processus qui avaient été définis. Les tribunaux ont également proposé des formations internes sur l’utilisation de la plateforme justitia.swiss, rédigé des instructions et mis en place la signature électronique. Les échanges continus de l’équipe de projet avec les collaboratrices et collaborateurs concernés, l’envoi d’infolettres internes ainsi que des séances d’information comme les brown bag lunches à l’intention de toute personne intéressée en interne ont permis d’assurer la transparence autour du projet, précise Julia Reidemeister.

Nous sommes convaincus que la clé du succès réside dans notre capacité à gérer la transition ensemble et à tenir compte des résistances – généralement fondées – rencontrées au cours du processus.

Julia Reidemeister, Responsable de la communication auprès des tribunaux du canton de Bâle-Campagne

Objectif suprême : rallier tout le monde au projet

La stratégie de communication définie par les deux institutions a pour objectif principal d’impliquer et d’associer autant que possible l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs, y compris celles et ceux qui voient la numérisation d’un œil critique. À ce propos, Julia Reidemeister dit que son équipe et elle sont convaincus que la clé du succès réside dans leur capacité à gérer la transition ensemble et à tenir compte des résistances – généralement fondées – rencontrées au cours du processus. Marilena Baiatu, du ministère public, souligne que les sujets liés à la transition numérique sont souvent complexes, très techniques et abstraits pour beaucoup. « Notre principe de communication, qui a bien fonctionné jusqu’à présent, tient donc en trois adjectifs : simple, compréhensible et proche du quotidien. » Pour les projets numériques complexes en particulier, il est crucial de communiquer avec les collaboratrices et collaborateurs sur les changements qui les impacteront très concrètement dans leur travail quotidien. Il s’agit de communiquer ouvertement les défis liés à la transition numérique, tout en montrant l’objectif derrière ces nouveautés et les avantages concrets qu’elles apporteront. Le ministère public prend au sérieux les doutes et les avis de ses collaboratrices et collaborateurs, les traite au sein du noyau dur de l’équipe de projet et rend à son tour les connaissances acquises accessibles à l’ensemble du personnel.

Rôle décisif des cadres dirigeants ainsi que des ambassadrices et ambassadeurs

Les cadres dirigeants ainsi que les ambassadrices et ambassadeurs jouent un rôle clé dans la communication interne. Il y a un an déjà, les tribunaux ont mis en place des « agents et agentes du changement » par tribunal et par service, dont la tâche consiste à prendre le pouls sur le terrain et à servir de modèle. Ces agents et agentes participent aux sous-projets et sont en contact étroit avec l’équipe de projet. Leurs retours et leurs questions sont très importantes pour la communication, estime Julia Reidemeister. Dans le même temps, l’attitude adoptée par les cadres est essentielle pour faire accepter la transition numérique, raison pour laquelle ces personnes sont activement impliquées dans la communication et les événements liés au projet. Marilena Baiatu partage cet avis : « D’après mon expérience, il est absolument essentiel que nos cadres soutiennent la transition numérique et que nous considérions toutes et tous – des ambassadrices et ambassadeurs internes au noyau dur de l’équipe de projet en passant par la ligne hiérarchique – les changements à venir comme une opportunité et que nous en parlions de manière positive. »

Outils de communication : une alliance de numérique et de personnalisation

Les deux autorités misent sur une combinaison de canaux de communication numériques et personnels. Le ministère public a numérisé ses moyens de communication bien avant le lancement de Justitia 4.0 : Le « Stawa Wiki » – une sorte de Wikipédia interne – sert de base centrale de connaissances et contient également des informations sur la mise en œuvre de Justitia 4.0 ainsi que sur la transition numérique. Viennent s’y ajouter des infolettres (« Info Stawa », « eSTAWA »), qui informent activement sur tous les changements à caractère contraignant concernant le travail quotidien. « Dans ces articles, nous accordons une grande importance à la compréhension générale et limitons le contenu aux points absolument centraux et impératifs. L’intégration de liens permet aux collaboratrices et collaborateurs intéressés de consulter en tout temps d’autres informations sur notre Stawa Wiki », explique Marilena Baiatu. « Pour faire passer les messages les plus importants, nous continuons toutefois de miser sur des présentations et des rencontres personnelles. Notre équipe de projet se tient toujours à disposition pour répondre aux questions ou aux incertitudes. Et quiconque préfère poser des questions par écrit peut le faire via une adresse électronique spéciale pour le projet », poursuit Marilena Baiatu. Les tribunaux, pour leur part, envoient régulièrement des infolettres sur l’état d’avancement du projet. La foire aux questions figurant dans l’intranet contient également une foule d’informations et il existe une boîte à lettres destinée à recueillir les questions. Le travail collaboratif de l’équipe de projet sur place permet en outre des échanges informels. Pour Julia Reidemeister, rien n’est plus important que les échanges personnels et réguliers entre les mandants, l’équipe de projet et les institutions. Les séances d’information facultatives, la désignation d’agentes et agents du changement ainsi que les visites régulières des personnes porteuses du projet sur place se sont révélées payantes. L’idéal serait que tout le monde ait le sentiment qu’il suffit de prendre le téléphone et d’appeler en cas de question.

Tout l’art de l’exercice consiste à réussir à emmener les collaboratrices et collaborateurs dans ce voyage vers l’avenir numérique. Tout le monde ne doit pas nécessairement embrasser la cause de la transition numérique, mais nous devons réussir à mettre en avant les avantages dont nous disposerons à l’avenir grâce aux outils connectés, sans que les collaboratrices et collaborateurs se sentent dépassés.

Marilena Baiatu, chargée de communication auprès du ministère public

Surmonter les défis : trouver la juste mesure

S’agissant de la communication interne sur la transition numérique, le plus grand défi réside dans la bonne mesure, la fréquence adéquate et le bon niveau de communication. Elle ne doit pas être trop technique, tout en informant sur les nouveautés qui concernent tout le monde. Marilena Baiatu dit à ce propos que tout l’art de l’exercice consiste à réussir à emmener les collaboratrices et collaborateurs dans ce voyage vers l’avenir numérique. « Tout le monde ne doit pas nécessairement embrasser la cause de la transition numérique, mais nous devons réussir à mettre en avant les avantages dont nous disposerons à l’avenir grâce aux outils connectés, sans que les collaboratrices et collaborateurs se sentent dépassés. » Adopter une communication ouverte, honnête et adaptée au groupe cible joue ainsi un rôle décisif.  Pour Julia Reidemeister, il est également important que l’équipe de projet soit en contact permanent avec les collaboratrices et collaborateurs et qu’elle soit à l’écoute de toutes les questions possibles et imaginables. Selon elle, le format décontracté des brown bag lunches a notamment eu un effet positif. De plus, les collaboratrices et collaborateurs impliqués dans l’essai pilote participent à la communication, que ce soit sous forme de rapports d’expérience ou de déclarations à propos du projet, ce qui permet à leurs collègues d’obtenir un aperçu direct des activités en cours.

Gérer les inquiétudes et la résistance : l’acceptation par le dialogue

Les deux autorités judiciaires abordent les inquiétudes et la résistance exprimées par leurs collaboratrices et collaborateurs de manière ouverte et dans un esprit de dialogue. Elles organisent notamment des ateliers qui thématisent le fait que les trois rôles – visionnaire, critique et entrepreneur – sont importants dans une même mesure pour la réussite d’un projet. Selon Julia Reidemeister, cela a contribué à ce que la critique soit bienvenue et que les collaboratrices et collaborateurs puissent exprimer plus librement leurs préoccupations ou leur opposition. Pour le ministère public aussi, il est clair que tous les collaborateurs et collaboratrices ne sont pas enthousiastes face aux changements à venir, ce qui est normal. En même temps, il est important de montrer qu’avec l’entrée en vigueur de la LPCJ, les autorités d’application du droit auront l’obligation de communiquer par voie numérique. C’est pourquoi, dans sa communication, l’équipe de projet explique les raisons de ces changements et les avantages qui en découleront à l’avenir. Les collaboratrices et collaborateurs ont la possibilité de poser des questions ainsi que de faire part de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes, que l’équipe de projet prend au sérieux et auxquelles elle répond.

Perspectives d’un développement continu

L’essai pilote de la plateforme justitia.swiss n’est qu’un début. Dans les tribunaux, on prépare déjà la phase pilote de l’application du dossier judiciaire (ADJ), qui devrait démarrer encore cette année. « Les expériences recueillies lors de l’essai pilote de la plateforme justitia.swiss intéressent beaucoup nos collaboratrices et collaborateurs et les motivent pour les prochaines étapes de la transition numérique », indique Julia Reidemeister. Le ministère public lancera également la phase pilote de l’ADJ en 2026. Interrogée sur l’évolution de la communication dans un environnement judiciaire de plus en plus numérique, Marilena Baiatu a déclaré que force est de constater que nous recevons toutes et tous beaucoup plus d’informations via des infolettres. Selon elle, ce canal gagnera encore en importance à l’avenir. Dans le même temps, il s’agit de s’assurer que les informations clés pour les collaboratrices et collaborateurs du ministère public de Bâle-Campagne – par exemple les modifications légales ou les adaptations des instructions de travail internes – ne soient pas noyées dans la masse. Un travail de communication réussi ne peut donc plus se réduire à « le plus vite possible, le plus d’informations possible », mais se caractérise par une focalisation sur l’essentiel tout en restant transparent et en choisissant des canaux de communication ciblés. En résumé : souvent, moins c’est mieux.

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